Douleur Théorique
Q : Pourriez-vous partager les sources d'inspiration et les réflexions derrière votre projet de fin d'études ?
Liang Zongyao : Mon intérêt se situe dans l'interaction complexe entre le temps, le corps et l'essence de la vie. Le temps s'écoule comme une rivière, tandis que l'existence humaine se déploie tel un tissu brodé de méandres et de détours. Chaque individu entre dans ce monde et entame un voyage qui s’étend de la naissance à la mort, rencontrant une multitude de personnes, d'événements et d'expériences au fil de ce parcours. Ces rencontres — qu’elles soient marquées par la joie ou la douleur — laissent en nous des empreintes indélébiles, qui nous façonnent tant sur un plan visible qu’invisible. Bien que ces influences demeurent insaisissables, immatérielles, elles possèdent le pouvoir de resurgir à des moments inattendus, se manifestant sous des formes multiples. C'est dans cette danse subtile d'expériences que l'essence même de notre existence se forge et se révèle.
Je recherche des matériaux qui incarnent l'essence du temps et de l'existence : la poudre de fer qui s'oxyde, la brume éphémère, et la froideur fragile et transparente de la lumière du verre. Chacun de ces éléments m'attire par ses caractéristiques singulières.
Dans ce projet, j'aborde le verre sous une forme creuse, que je remplis d'oxyde de fer. La poudre de fer, soumise à la dilatation thermique et à l'étirement du verre, évoque des images rappelant la diffusion cellulaire. Fugace et insaisissable, la brume traverse l’intérieur transparent, laissant derrière elle un air humide qui réagit avec la poudre de fer. Ces matériaux interagissent au fil du temps, dévoilant progressivement des transformations irréversibles.
Le titre de cette œuvre, « Douleur Théorique », renferme deux niveaux de signification. D'abord, il se réfère à l'expression artistique de la pièce elle-même. À travers des médiums tels que le verre et la rouille, je cherche à offrir une représentation tangible de conditions pathologiques. La présentation, bien que distanciée, n’est pas brute et viscérale comme dans un laboratoire, mais plutôt abstraite à travers un prisme artistique. Ensuite, il reflète ma perception personnelle du temps. La « théorie » symbolise la vie — un flux irréversible auquel nous ne pouvons échapper. Bien que nous ne puissions éviter ces réalités, je crois pouvoir exprimer mes sentiments à travers l’art, cherchant une résonance depuis une perspective plus vaste, celle de la société.
« Douleur Théorique », Verre, Poudre de Fer, Brume, Dimensions Variables, 2024
Le verre incarne également la fragilité, à l’image de la vulnérabilité du corps et de l’esprit humains. L’imagerie présentée dans cette œuvre ne se limite pas à reproduire la souffrance, elle aspire à une percée — une réconciliation avec le temps, la vie et la mort. Dans le vaste fleuve de l’existence, l’être humain possède une dynamique intrinsèque, quelle que soit la circonstance. Le verre dans cette pièce est transparent et éclatant, resplendissant sous les jeux de lumière.
Dans cette création, j’utilise un système d'infusion conçu à partir de condensateurs ; je simule un électrocardiogramme en appliquant les principes de la décharge luminescente ; je représente des coupes cellulaires grâce aux techniques du verre fondu et de la sculpture sur verre ; enfin, j’emploie des méthodes d’impression pour fixer de la poudre de fer sur des plaques de verre, évoquant ainsi un système d’imagerie médicale. L’interaction de ces divers médias vise à offrir une représentation viscérale d’un laboratoire pathologique ou d’un cadre chirurgical, invitant le public à pénétrer un espace artistique où il peut saisir une compréhension subtile du temps et de la vie.
« Douleur Théorique », Verre, Poudre de Fer, Brume, Dimensions Variables, 2024
Installation en cours
Création en cours
Traduit du chinois par Yan Le Clézio
